Complexité

On appelle complexe une grande disposition d'éléments qui n'est ni régulière ni aléatoire.

De notre point de vue, les composantes élémentaires de la matière sont les atomes. L'univers connu est vaste mais constitué essentiellement d'atomes simples (hydrogène). Des atomes plus complexes (plus lourds) apparaissent rarement.

Sous certaines conditions, les atomes s'organisent spatialement les uns par rapport aux autres : ils peuvent former des cristaux ou des molécules. Les cristaux sont simplement un maillage régulier d'atomes. Une molécule est un ensembe délimité d'atomes liés d'une manière caractéristique. Les molécules complexes sont rares.

La vie que nous connaissons est basée sur une variété de molécules structurées autour d'atomes de carbone. Parmi ces molécules, citons, du plus simple au plus complexe, les acides aminés, les protéines et l'ADN. Une molécule d'ADN est une séquence de bases élémentaires qui code l'information nécessaire pour piloter le développement d'un individu vivant. Sa taille est très variable, chez les humains elle fait quelques milliards de bases.

La molécule d'ADN se duplique et se combine à d'autres molécules d'ADN à l'intérieur d'une cellule.

La plupart des organismes sont unicellulaires, c'est-à-dire que la cellule vit et de reproduit de manière autonome. Cependant, chez certaines espèces (d'arbres et de mammifères par exemple), les cellules se différencient et s'organisent pour former une structure multicellulaire. Les cellules spécialisées sont dépendantes les unes des autres pour leur survie. Certaines s'occupent de la digestion, d'autres de la reproduction, d'autres dirgent l'organisme : les neurones.

Les neurones sont des cellules qui transmettent quasi-instantanément de l'information sous forme d'impulsions. L'information entrante provient de cellules sensorielles, en sortie elle pilote des muscles ou des glandes. Chaque neurone est connectée à une centaine de voisines. Il y en a une centaine de milliers chez les insectes, une centaines de milliards chez les humains. L'organisation de certains neurones est déterminée par l'information génétique, pilotant des réflexes innés.

Certains animaux ont, dans un système nerveux central, un volume de neurones sans attribution prédéfinie. Les connexions entre ces neurones s'établissent au cours de processus d'apprentissage, mettant en relation des séquences plus ou moins complexes de stimuli. Le comportement d'un individu est donc pour part issu de son apprentissage, qui lui vient par interaction avec son environnement ou par l'enseignement que lui communiquent ses aînés.

L'espèce humaine est un cas extrème : les individus ont très peu de réflexes innés, leur système nerveux central doit apprendre la plupart des comportements nécessaires à leur survie. Ils sont aidés en cela par leur congénères, grâce à l'exceptionnelle richesse en information de leur communication. Par comparaison, les autres animaux peuvent transmettre quelques centaines de messages différents au plus.

La communication entre humains a permis la constitution de groupes complexes : les sociétés. L'organisation sociale fait que les individus se spécialisent, les tâches et les connaissances se hiérarchisent. Les connaissances d'un individu sont une partie du savoir global. La complexité globale de la société s'accroît donc au-delà de celle d'un individu.

L'humain, beaucoup plus que d'autre animaux, organise son environnement. Il pratique l'agriculture, utilse des outils et crée des objets. Un livre crée par un individu compte quelques centaines de pages. Les connaissances d'une société tiennent dans une encyclopédie de quelques dizaines de milliers de pages.

La complexité artificielle est maximale chez les ordinateurs. Ils permettent un accroîssement de la quantité d'information organisée. Un ordinateur actuel a quelques centaines de millions d'unités de traitement (transistors) et des centaines de milliards d'unités de mémoire (octets). Les ordinateurs sont organisés dans un réseau de quelques centaines de millions de machines. Cependant, leur complexité n'est le plus souvent que le support de la complexité humaine et sociale. Leur complexité intrinsèque apparaît par exemple dans la simulation de systèmes dynamiques comme les fractales ou le jeu de la vie.

Niveaux de complexité

En somme, on connaît cinq niveaux de complexité : les molécules complexes (l'ADN), les organismes multicellulaires, le cerveau humain, les sociétés humaines, les ordinateurs. Chaque niveau est un support pour le niveau suivant. Une société humaine est un ensemble de millions d'individus organisés, chacun avec sa personalité, agencée dans des milliards de neurones, et chaque neurone a un ADN de milliards d'atomes. En combinant les niveaux de complexité, distingue une organisation cohérente de 10^(9+9+6) atomes au bas mot.

L'émergence des systèmes complexes est plus rapide à mesure qu'on monte dans les niveaux. L'ADN est apparu il y a des milliards d'années, les multicelluaires des centaines de millions, les humains deux millions, les sociétés complexes des milliers, les ordinateurs des dizaines. Une fois un système complexe appararu il se développe et se complexifie tellement plus vite que le système qui le supporte que le développement de ce dernier paraît figé.

À chaque niveau de complexité un ingénieur pourrait concevoir plusieurs organisations pour parvenir à un niveau de complexité supérieur. Cependant, la différence de vitesse de développement et la sélection naturelle font qu'une seule de ces manières domine, d'une manière un peu arbitraire. Pourquoi toute la vie repose-t-elle sur le même codage moléculaire ? Pourquoi y a-t-il (seulement) deux formes de vie multicellulaire, les végétaux et les animaux ? Pourquoi un cerveau complexe est-il apparu chez une seule espèce ? Pourquoi les ordinateurs n'ont-ils qu'une seule unité de traitement ? Parce que les bénéfices d'une architecture plus flexible ne sont pas suffisants en regard du coût de conception d'un autre type de matériel.

Augmenter la complexité

Quel que soit le niveau considéré, la complexité est rare. Il est donc naturel de la chercher, de souhaiter son maintien et son développement.

La plupart des molécules sont simples. En dehors de la Terre, la plus complexe connue compte une centaine d'atomes. Les molécules complexes apparaissent plus probablement dans les planètes telluriques, c'est-à-dire non gazeuses. En dehors du système solaire, on connait peu de planètes, et encore moins de type tellurique. C'est pour cela que tant d'astronomes sont fébrilement à leur recherche.

La plupart des organismes vivants sont unicellulaires. Parmi les organismes multicellulaires, peu sont capables d'apprentissage. C'est pour cela que l'être humain est exceptionnel par rapport aux autres espèces.

Pour un individu, la plupart de ce qu'il a appris est partagé avec d'autres. Sa spécificité n'est souvent qu'une combinaison unique de savoirs. Les artistes ou les inventeurs créeent une addition souvent mince au savoir existant par ailleurs.

Si la complexité provenait d'un ingénieur, il en considérerait que les éléments non complexes sont inutiles et peuvent être traités comme quantité négligeable. Seul l'humain parmi les animaux et seuls les créateurs parmi les hommes seraient précieux. Comme en réalité la complexité est issue de processus d'évolution dans une population, il faut au contraire que la population soit grande et diverse.

Quel niveau de complexité est le plus précieux ? Le plus haut niveau (société humaine) est le plus complexe mais aussi le plus court à regénérer : des humains isolés reformeront des sociétés complexes en quelques milliers d'années. Le niveau inférieur (les animaux capables d'apprentissage) semble donc plus précieux. Or, l'humain a exterminé ou marginalisé les autres espèces animales complexes. Mais le temps nécessaire à leur réapparition est toujours court par rapport au temps d'apparition de la vie multicellulaire. Etc.

On peut remonter le raisonnement jusqu'à la « soupe primitive » où sont apparus les acides aminé dans la Terre initiale. Étant donné un tel support, il semble que la complexité apparaît nécessairement. Il existe certainement d'autres supports physiques ayant cette propriété. Dans les systèmes artificiels, il y a le système dynamique au nom prémonitoire de « jeu de la vie » : c'est une grille de cases à deux états, et qui changent d'état en fonction de l'état de leurs voisines. On peut penser qu'en laissant évoluer longtemps une telle grille en trois dimensions, très grande et initalement aléatoire, des niveaux de complexité apparaissent autant que dans le monde réel.